Eowyn Ivey nous emmène une fois encore dans les vastes étendues glacées de l’Alaska, cette terre à la fois sublime et hostile, propice aux récits teintés de mystère et de solitude. Une histoire d’ours s’inscrit dans cette veine, entre légende et réalité vacillante, conte initiatique et dérive humaine. Et si l’autrice continue de faire montre d’une plume éblouissante, il reste dans ce roman un malaise latent qui m’a suivie tout au long de ma lecture.
Le roman s’ouvre sur Birdie, une jeune mère débrouillarde, qui élève seule sa fille Emaleen dans un coin reculé d’Alaska. Lorsqu’un jour l’enfant disparaît dans la forêt et est secourue par Arthur, un ermite au visage ravagé et à l’aura inquiétante, le récit bascule dans un huis clos sauvage. Birdie, contre tout bon sens, tombe amoureuse de cet homme insaisissable et choisit de vivre à ses côtés, loin de tout. Très vite pourtant, l’atmosphère s’alourdit : Arthur disparaît régulièrement, adopte des comportements étranges, et l’on comprend que l’homme cache un secret aussi ancien que les montagnes qui l’entourent.
Il faut saluer le talent d’Eowyn Ivey pour camper une ambiance : la nature, omniprésente, est presque un personnage à part entière. Elle enivre, elle dévore, elle appelle. Il y a dans la description des forêts, des ciels étoilés, des feux de camp et du silence blanc une puissance poétique rare, presque hypnotique. C’est sans doute cette magie d’écriture qui m’a tenue en haleine, même lorsque l’histoire elle-même me laissait perplexe.
Car c’est là que le bât blesse. Le récit semble s’appuyer sur une légende ou un mythe, sans jamais vraiment l’assumer ni le clarifier. Il y a un flou volontaire, une ambiguïté troublante autour d’Arthur, qui peut séduire… ou déranger. Personnellement, j’ai choisi de lire cette histoire comme une métaphore, un conte moderne où l’on ne cherche pas la cohérence factuelle. Mais malgré cela, certains passages m’ont mise mal à l’aise, et la psychologie d’Arthur m’a semblé hermétique, presque inaccessible.
Les personnages secondaires sont volontairement simples, presque archétypaux. Birdie, forte et volontaire, fait ce qu’elle peut pour survivre et comprendre l’homme qu’elle aime, mais elle reste parfois un peu trop passive face à des situations qui, dans un cadre réaliste, seraient inacceptables. Emaleen, quant à elle, incarne cette innocence confrontée à l’étrangeté du monde adulte.
En conclusion, Une histoire d’ours est un roman ambivalent. J’ai été profondément déroutée par certains choix narratifs, parfois mal à l’aise, mais je n’ai jamais pu lâcher le livre. C’est une lecture qui bouscule, qui interroge notre rapport à la nature, à l’autre, à l’inexplicable. Si vous aimez les récits où la frontière entre le réel et le merveilleux se brouille, et que vous n’avez pas peur de vous aventurer dans les zones d’ombre, ce roman pourrait vous captiver autant qu’il vous déstabilisera.
Commentaires
Enregistrer un commentaire