Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à cœur le message de paix de Martin Luther King. Prêt à intégrer l'université pour y faire de brillantes études, il voit s'évanouir ses rêves d'avenir lorsque, à la suite d'une erreur judiciaire, on l'envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s'engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables ». Sauf qu'il s'agit en réalité d'un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d'amitié. Mais l'idéalisme de l'un et le scepticisme de l'autre auront des conséquences déchirantes.
Couronné en 2017 par le prix Pulitzer pour Underdground Railroad puis en 2020 pour Nickel Boys, Colson Whitehead s'inscrit dans la lignée des rares romanciers distingués à deux reprises par cette prestigieuse récompense, à l'instar de William Faulkner et John Updike. S'inspirant de faits réels, il continue d'explorer l'inguérissable blessure raciale de l'Amérique et donne avec ce nouveau roman saisissant une sépulture littéraire à des centaines d'innocents, victimes de l'injustice du fait de leur couleur de peau.
Pour ma part, véritable coup de cœur. Je m'en suis pris plein la figure en même temps que notre héros, Elwood. Elwood est un petit gars bien comme il faut. Mis à part son admiration pour Martin Luther King, rien ne peut lui être reproché. Poli, travailleur, pas bagarreur, respectueux des règles, il fait le bonheur de sa grand mère qui l'élève depuis le départ des parents. Mais voilà, Elwood a des rêves : "I have a dream" comme disait Martin Luther King. Elwood veut faire des études et entrer à l'université. Chose faite, mais pour ne pas dépenser inutilement de l'argent, Elwood décide de s'y rendre en faisant du stop. Une voiture s'arrête... Elwood monte à bord et le voilà poursuivi et arrêté par la police. Pas de bol : le flic est blanc, Elwood est noir et la voiture est volée. Pas de possibilité d'expliquer la situation, Elwood est envoyé directement à la Nickel Academy qui va se charger de le remettre sur le droit chemin. La Nickel Academy accueille aussi bien les blancs que les noirs. Mais vu l'époque, on se doute que tout le monde n'est pas logé à la même enseigne.
C'est magistral, glaçant et pourtant plein d'optimisme, de volonté, d'amitié. La violence est là, à chaque page et pourtant tous ses gamins, et surtout Elwood veulent sortir de cet enfer. Certains y réussiront plus vite que d'autres parce qu'ils décèderont sous les coups. Elwood, Turner et les autres... Des figures inoubliables qui nous montrent que l'Amérique, malgré sa grandeur, reste un petit pays au niveau des droit de l'homme, notamment pour les noirs.
C'est d'autant plus glaçant que la base de ce récit est réelle. Les personnages sont imaginaires mais ce centre de redressement a réellement existé. Les pratiques ont été dénoncées suite à des fouilles qui ont mis à jour un cimetière. Combien de gamins ont du subir les sévices, la cruauté des gardes racistes, violents, intolérants. Tout le monde savait. Tout le monde s'est tu. Un noir, c'est rien, ce n'est même pas un être humain. Avec une plume incroyable, Colson Whitehead nous prend aux tripes et conte l'histoire sans fioriture, brute mais avec un tel réalisme qu'on ne peut détacher les yeux des mots. Et que dire de la fin qui vous coupe l'herbe sous les pieds et qui vous laisse pantelant et la larme à l’œil.
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